Intermarché se lance dans la production de... par
Challenges
REPORTAGE - Intermarché a inauguré, jeudi, la première usine en France qui produit du biodiesel à partir de graisses animales impropres à la consommation.
Selon ses promoteurs, l'EMHA est deux fois plus efficace dans la lutte contre les gaz à effet de serre que son concurrent végétal. Néanmoins, s'il est plus propre que les autres carburants, l'EMHA n'est pas à utiliser seul dans un réservoir de voiture ou de camion. Il est mélangé au gazole classique, comme la loi l'oblige. Car "depuis 2005, nous devons incorporer du biodiesel dans notre gazole livré aux stations-service. Au départ à 1,2%, une directive européenne a porté l'obligation à 7% en 2013", note Jean-Pierre Guillaume. Jusqu'ici, le biodiesel sur le marché français était issu de la filière végétale (colza, etc). Il existait déjà des biocarburants issus de la filière animale, mais qui sont surtout produits en Allemagne. C'est donc naturellement outre-Rhin que le groupement des Mousquetaires est allé chercher son partenaire pour fabriquer son biodiesel "animal" en France. Il s'agit de Saria Industries, division française du groupe allemand Rethmann. Cette société spécialisée dans la collecte et dans le traitement des sous-produits animaux détient actuellement 34% du capital de l'usine.
Car le projet n'a évidemment pas qu'un but écologique, c'est aussi un projet industriel et économique. "Le pôle industriel des Mousquetaires est, en France, le troisième groupe de l'industrie de la viande -avec notre filiale la SVA Jean Rozé- et le deuxième distributeur français de gazole, rappelle Christophe Bonno, directeur du Pôle industriel des Mousquetaires. On boucle ainsi la chaîne en traitant les déchets issus de l'industrie de la viande et en les transformant en carburant routier complètement universel et conformes aux normes européennes". Sans le savoir, les clients Intermarché mettent déjà dans leur voiture de l'EMHA produit au Havre. Cela n'a aucune incidence sur le prix du plein à la pompe. Car encore une fois cette substance était déjà présente dans le diesel qu'on achète, mais les 7% obligatoires dans un litre de gazole étaient du biodiesel sous forme végétale. Aujourd'hui, les 7% compte toujours du végétal (entre 90 et 70%), mais aussi du biocarburant produit par Estener (entre 10 et 30%). L'EMHA ne représente donc qu'une part infime de ce qu'on obtient à la pompe: entre 10 et 30% des 7% du mélange de biocarburants.
Pour parvenir à ce résultat final, les différents partenaires ont déjà investi 40 millions dans l'usine qui emploie 27 salariés. Concrètement, l'usine, qui sert à fabriquer le biodiesel, s'appuie sur un process industriel de transformation appelé "transestérification". Les graisses animales sont mélangées au méthanol en présence d'un catalyseur. Le procédé permet ensuite de traiter toutes les matières indésirables présentes dans les matières premières en mettant en œuvre les étapes de lavages, décantation, séparation mécaniques et surtout de distillation.
Un véritable projet industriel pour la fabrication d'un produit de niche si l'on compare les 75.000 tonnes d'EMHA qui devraient sortir de l'usine d'Estener dès 2014, aux 3 millions de tonnes de biocarburant végétal produits chaque année et au 44 millions de gasoil consommés en France. Il n'empêche que les promoteurs du projet espèrent bien que l'Union européenne va continuer de faire progresser le taux de biocarburants à incorporer dans le gasoil (actuellement de 7%). Mais la concurrence va s'avérer rude dans l'Hexagone, surtout depuis que le numéro un du biodiesel européen, le français Sofiprotéol, a annoncé le mois dernier une production d'ampleur équivalente de biodiesel de même type, "au plus tard début 2015" dans une usine près de Compiègne, en partenariat notamment avec le belge Electrawinds, spécialiste des énergies renouvelables. Le problème étant pour tous l'approvisionnement en matière première, directement liée à la consommation de viande, et qui est par définition, limitée.