Les troubles musculo-squelettiques constituent l'un des problèmes majeurs des industriels de l'agroalimentaire. Ouverte depuis dix ans, Moulin de la Marche, l'usine d'Intermarché spécialisée dans la découpe de poissons (saumon, truite), y est confrontée au quotidien. Depuis le début 2007, les opérateurs ont commencé à déclarer des TMS. « Nous avons pris contact avec un ergonome en pensant que les ajustements seraient minimes. Après audit, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait une réorganisation globale de la production », se rappelle Anne Pérès, la directrice de l'usine, située à Châteaulin (Finistère). Le chantier démarre six mois plus tard, mi-2007, avec l'atelier de préparation des commandes et d'étiquetage. Il se poursuit actuellement avec l'atelier de découpe et de filetage des poissons. L'originalité de la démarche vient de l'association des principes du lean manufacturing et de l'ergonomie. Avec l'aide du cabinet Valessentia, le site a mis sur pied des groupes de travail. En parallèle, le personnel a été formé aux principes de l'ergomotricité. Les groupes de travail devaient décrire chaque poste : son environnement (ambiance sonore et thermique, autonomie par rapport aux flux...), sa composition (plan de travail, approvisionnement en matière première) et analyser dans les moindres détails la gestuelle des personnes. Cette décomposition a permis d'identifier les opérations dangereuses pour la santé et de faire évoluer la ligne de production. « Les gestes qui font mal ne sont pas forcément ceux qui apportent de la valeur. Mieux vaut se concentrer sur les opérations à forte valeur ajoutée et mécaniser au maximum le transfert de la matière première et les manipulations », affirme la directrice.
Les groupes ont redéfini des standards de la gestuelle avec une personne spécialement embauchée sur la thématique de la prévention-santé. Ils ont aussi permis d'envisager des évolutions de la ligne de production : dimension des postes de travail, convoyage, évacuation des produits... « Sur l'un des postes de découpe, dans 70 % des cas, le poisson se présente dans le mauvais sens. L'opérateur est obligé de le retourner. Or, il pèse parfois jusqu'à six kilos ! Il faut que les opérateurs puissent les faire glisser ou installer un convoyage automatique », explique Anne Pérès. Une nouvelle ligne de découpe devrait être installée avant l'été.
Les résultats ne sont pas encore mesurables, mais les objectifs sont ambitieux. La démarche vise à améliorer de 10 % la productivité et de 20 % la capacité de l'atelier de découpe. « Il est difficile de fixer des objectifs chiffrés en matière de TMS, mais je suis convaincue que nous allons les réduire et ne plus en générer », déclare Anne Pérès. Enfin, la moindre pénibilité des tâches devrait permettre à des femmes d'accéder à certains métiers jusqu'ici réservés aux hommes.
Usine nouvelle - Le 28 janvier 2010 par Patrick Déniel